«Peu de romans arrivent à la cheville de celui-ci.
D'ailleurs est-ce un roman, ou un livre d'Histoire imaginée ?
 Vision d'une France éternelle, loin des conflits quotidiens,
 et pourtant ancrée dans notre réalité. A lire d'urgence !»

Commentaire d'un lecteur de Pékin, Chine - 20 septembre 2000

(Source : Amazon.fr)

 

Pour commander l'ouvrage,
cliquez sur le lien, ci-dessus

De Fallois, 1991

Quatrième de couverture

EXTRAITS

 

QUATRIEME DE COUVERTURE

Le prince Philippe Pharamond de Bourbon, Capétien, âgé de dix-huit ans, fut sacré roi de France le 3 février 1999, au tournant du troisième millénaire, à la cathédrale de Reims. Il était trois heures du matin. La place et le parvis étaient déserts, les cloches muettes, les troupes et les fanfares absentes, et le peuple de France, qui dormait, ignorait l'existence de ce prince et ne connaissait même pas son nom. La cathédrale elle-même était vide, avec seulement cinq personnages rassemblés sous l'immense nef, autour du jeune roi, pour la cérémonie quinze fois séculaire du sacre : un très vieux et très énergique cardinal, une jeune fille, sœur jumelle de Philippe, et trois garçons du même âge que leur prince, qui le servaient et le suivaient fidèlement depuis le début de cette aventure commencée un mois plus tôt. Tous étaient dans la main de Dieu.

Sire nous entraîne très loin de la réalité, mais n'est pas pour autant un roman de politique-fiction. L'auteur ne cherche pas à nous convaincre de l'utilité d'une restauration, il n'écrit pas pour le service de tel ou tel prince ou de tel ou tel prétendant. S'il est vrai que son livre illustre le principe royal et la notion du sacré dans le pouvoir, c'est de la façon la plus élevée, pour ne pas dire immatérielle. Il y a du merveilleux dans cette aventure, un côté «Chevaliers de la Table Ronde» et «conquête du Graal » transposé à notre époque. C'est une chevauchée dans le rêve, une sorte de thriller épique, catholique et royal.

EXTRAITS

Le 4 septembre 1792, les premiers pillages commencèrent à la basilique Saint-Denis, selon les dispositions de la loi qui allait devenir républicaine dix-huit jours plus tard. Le 9, le dernier office des bénédictins dans l'église dont ils avaient été les maîtres pendant onze siècles fut célébré par Dom Verneuil, le père abbé, mitre en tête et crosse au poing. Cela ne manquait pas de courage, ni de panache. Ils chantaient : « Manus tuas, Domine, commendo spritum meum... » Le 14, chassés, menacés de mort, les religieux se dispersèrent sans espoir de retour. La nécropole royale entra en agonie.

On s'attaqua d'abord au toit. La charpente en fut dénudée, livrée aux intempéries, le plomb arraché et stocké dans la nef, en désordre, au milieu des tombeaux. Le 6 août 1793, l'église grouilla soudain de soldats à bonnet rouge, d'ouvriers armés de pics, de masses, de marteaux, de leviers. La foule les encourageait. Par un singulier tour du destin, la première chapelle sur laquelle ils se ruèrent fut celle du roi Dagobert Ier, fondateur de l'abbaye. Sa statue gisante fut anéantie. Certains monuments funéraires furent conservés, notamment ceux des Valois, « pour leur exceptionnelle qualité artistique », selon un décret de la Convention. Avec les autres, brisés à la masse, saccages, on construisit à l'entrée de Franciade, ci-devant Saint-Denis, sur la place d'Armes, une montagne allégorique de ruines au pied de laquelle fut aménagée une grotte à la mémoire de Marat et de Peletier de Saint-Fargeau, promus martyrs de la Révolution. Les têtes sculptées de nos rois, couronne brisée, nez cassé, les yeux crevés, ornaient les piliers et les frontons de la grotte.

En septembre, dans l'abbatiale mutilée, on martela ou on fit sauter au ciseau les derniers attributs de la royauté qui avaient encore échappé à la fureur républicaine, notamment ceux du buffet d'orgue. Périrent aussi les dernières croix des calvaires qui jalonnaient, dans Saint-Denis, l'itinéraire des convois funèbres des rois de France. Enfin, ce fut le tour des cloches. Elles subirent le martyre de la roue, rompues à coups de barre de fer, émettant des plaintes lugubres qui rebondissaient en échos à l'intérieur de la basilique.

Firent leur entrée « ces spoliateurs de tombeaux, ces hommes abominables qui eurent l'idée de violer l'asile des morts et de disperser leurs cendres pour effacer le souvenir du passé ». C'était le 12 octobre 1793.

Au milieu d'une foule surexcitée qui encourageait de la voix et du geste les terrassiers, on commença à creuser aux abords immédiats de la basilique deux fosses carrées de trois mètres de côté et trois mètres de profondeur. La première était destinée à recevoir les ossements des Bourbons, la seconde ceux des Valois et des Capétiens directs, ainsi que les restes des rois des deux premières races, si l'on en retrouvait quelque chose. Non loin de là, dans un baraquement, fut édifiée à la hâte une fonderie où les cercueils de plomb des tyrans se transmuteraient en balles de fusil républicaines. Puis l'on enfonça au bélier les portes des caveaux.

Le premier « tyran » forcé dans son repos éternel fut le bon roi Henri IV. Lorsqu'on eut fait sauter à coups de marteau et de pied-de-biche le lourd couvercle de son cercueil de chêne, puis son cercueil de plomb à la barre à mines, déclenchant dans le caveau des Bourbons un épouvantable vacarme, son corps apparut enveloppé d'un suaire blanc presque intact. On dégagea la tête, et, dans l'air raréfié, se répandit une forte exhalaison d'aromates. Ce roi-là sentait bon. Ce ne fut pas le cas des autres. Après cent quatre-vingt-trois ans de tombeau, son visage était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits sereins, à peine altérés. Le cadavre fut ainsi dressé, comme un mannequin, et adossé à un pilier. La foule qui l'entoure, impressionnée, suspend un instant sa haine. Peut-être même est-elle émue au spectacle de ce grand roi debout, immobile dans son linceul. Et si elle tombait à genoux, en témoignage d'ancien respect? Mais la loi qui régit les masses humaines ne souffre pas d'exception, c'est toujours le plus vil qui l'emporte, et le, plus vil, le voici : un soldat, même pas pris de boisson, ce qui eût au moins constitué une excuse. Se poussant au premier rang, avec des mines de matamore, le soldat, courageux fils du peuple, tire son sabre et coupe ras une bonne mèche de barbe blanche dont il se fait une moustache postiche sous les rites et les applaudissements. Voilà, c'est décidé, la foule sera abjecte. Une mégère brandit le poing sous le nez du bon roi Henri, et puis, carrément, le gifle à toute volée, si fort que le corps tombe à terre. C'était le samedi 12 octobre 1793 et le jour tombait. Les forceurs de tombeaux rentrèrent chez eux pour se reposer le dimanche en famille, observant une pause déjà syndicale, si bien que le roi Henri IV demeura ainsi exposé aux outrages de la populace jusqu'au lundi 14 octobre. On ignore dans quel état il fut retrouvé, car il fut balancé sans ménagements, dès le matin, et le premier, dans la fosse des Bourbons.

Passé ce premier défoulement, on accéléra le boulot. Louis XIII fut expédié dans la fosse sans même l'aumône d'une injure. Il puait. Avec Louis XIV, on respecta les formes républicaines. L'un des terrassiers, autre courageux fils du peuple, sortit son couteau à longue lame, et, d'un coup vif, éventra le roi. Il s'en échappa quantité d'étoupes qui remplaçaient les entrailles et soutenaient les chairs. Estimant sans doute, à bon droit, qu'il avait été trompé sur la réalité charnelle de la dépouille royale aussi inerte qu'une poupée de son, l'éventreur, avec son couteau, ouvrit en force la bouche du roi dont les mâchoires étaient bloquées depuis soixante-dix-huit longues années. Rude besogne. Il en vint à bout, saluant comme un gladiateur, et la multitude l'acclama. Le roi Louis XIV, qui, de son vivant, puait effroyablement de la bouche, exhala un ultime soupir qui extermina les dernières mouches qui survivaient dans le caveau. Le fils du peuple préleva sur la mâchoire royale une dent, solitaire, un chicot noir et pourri qu'il montra au peuple, comme un trophée. Le peuple applaudit et rugit de bonheur.

« Monseigneur, mes frères, dit-il, le droit divin est un flux qui échappe au pouvoir des hommes. Il est éternellement transmissible chez ceux que Dieu a choisis. Il ne peut être interrompu, il ne l'a jamais été et ne le sera jamais. On peut couper la tête des rois, les chasser, les oublier, le droit divin court toujours, comme une grâce inemployée dont les effets s'accumulent. Mais vous êtes aussi un être de chair, Monseigneur. La royauté héréditaire commence là où commence l'homme, par la conception charnelle. Un roi est fait d'un autre roi, de toute la chaîne des rois avant lui, parmi lesquels celui qui repose ici depuis neuf siècles. Ainsi le corps du roi est-il le roi. A Reims, il recevait neuf orictions, et sa personne devenait sacrée. Allez à Reims, Monseigneur, et que Dieu vous ouvre la route. Amen.

La messe suivit son cours. L'abbé trouva marqués d'avance par des signets de couleur vive, d'une soie neuve qui avait été changée récemment, dans le missel, les textes propres aux oraisons pour le roi. D'une voix forte, il lut le premier, la collecte, qui se place juste avant l'épître : « Quaesumus, omnipotens Deus : ut famulus tuus Pharamonus, rex noster, qui tua misera-tione suscepit regni gubernacula... Faites, Dieu Tout-Puissant, que votre serviteur notre roi Pharamond, qui par votre grâce a assumé le gouvernement du royaume, reçoive un accroissement de toutes les vertus ; qu'orné de leur éclat, il évite l'horreur du vice et puisse parvenir heureusement jusqu'à vous qui êtes la voie, la vérité et la vie. Par Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils... Per Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum, qui tecum vivit et régnât in saecula saeculorum, amen. »

Les deux autres textes étaient ceux de la secrète et de la postcommunion, l'un avant la préface et l'autre à la fin de la messe, précédant la bénédiction. Tous deux en appelaient à la grâce de Dieu « répandue sur notre roi Pharamond afin qu'elle le protège contre toutes les forces adverses, etc. ». L'abbé ne s'était jamais trouvé face à ces textes-là, enfouis depuis des éternités parmi d'autres oraisons pour la pluie ou le beau temps ou contre les tremblements de terre et les épidémies chez les animaux, entre les pages désaffectées de missels obsolètes mis au rebut par des générations d'évêques acharnés. Il éprouva un vif bonheur à redécouvrir mot à mot ces textes. On avait tout rejeté en bloc, pourquoi ne pas tout reprendre de la même façon ? Pourquoi les gens de ce pays ne demanderaient-ils pas à Dieu, comme naguère, de bénir leurs maisons, leurs bateaux, leurs chevaux, leurs chiens, leurs autos, leurs enfants, leurs femmes enceintes, leurs malades, leurs vieillards, leurs drapeaux, de guérir leurs cochons malades, d'épargner la grêle aux moissons, de protéger leurs forêts des incendies, et à plus forte raison de leur donner à nouveau un roi qui pût être aimé et respecté et rendrait un sens à l'ordre des choses...